Main tant de fois caressée par les vagues du temps,
je porte avec tendresse le poids de tes alliances.
Je ne domine rien.
D’un mouvement hésitant, je replie mes doigts sensibles,
enfermant dans ma paume les fruits secrets des promesses d’œuvres qui n’ont pas vu le jour.
Main tant de fois oubliée…
Brimée par l’ardeur de mes maîtres.
Acharnés à vouloir me faire semblable à ma soeur,
à l’autre, la plus adroite !
Vains efforts que les leurres du parfait !
Ma nature est toute autre,
Ma richesse est ailleurs.
De cet oubli, de cet absence du souci du juste et du parfait,
j’ai pu nourrir l’espace immense de tes rêves.
Laissée à ma danse paresseuse et oisive,
Éloignée du travail et de tous les « il faut » des adroits de ce monde,
J’ai flâné, erré, butiné les espaces secrets de ton intimité.
Et lorsque je me pose sur ton cœur,
Je reçois l’écho vibrant de tes amours.
Je reste suspendue dans l’intuition de ce qui s’apprête à venir
Mais échappe encore à ta volonté.
Car je ne saisis pas l’instant.
Je l’accueille.
Je l’inspire.
Les innombrables plis qui cerclent le poignet qui me relie à toi
sont les bracelets que dessine l’or de l’âge et du temps.
Ceux qui creusent ma paume ont vu ruisseler la sueur tant de fois recueillie sur ton front.
Tels les sillons profonds d’une terre féconde,
ils disent les années de ta vie.
Ils disent les visages aimés.
Ils disent les enfants nourris.
Ils disent les chevelures lissées,
…les blessures adoucies.
Ils disent les liens tissés à la rencontre d’autres mains.
Ils disent tout ce que j’ai pu t’offrir d’avoir été oubliée.